Conjuguer l’image du présent de l’objectif à l’imparfait du subjectif
Son champ d’investigation s’étend à l’infini. Derrière ses lunettes blanches aux verres fumés assortis à ses cheveux mi- longs, Jean Pierre Fleury s’intéresse à tout ce qu’il ne connait pas.
Curieux, il est fasciné par ce qu’il ne voit pas et qui apparait à force d’être observé. « J’aime regarder. Je fais une grande différence entre voir et regarder.
Voir, c’est passif. Regarder permet d’aller au-delà de la forme ». Pourtant, Jean Pierre Fleury ne se contente pas de regarder le monde, il le sonde enlevant les couches qui le recouvrent.
Comme Alice, le personnage de Lewis Caroll, l’artiste passe de l’autre côté du miroir. Il ne photographie pas ce qu’il voit mais ce qu’il ressent, ce qui lui apparaît, ce qu’il découvre derrière les apparences. D’ailleurs est-il photographe ? On dirait plutôt un peintre. Son appareil photo lui sert de pinceau.
Ses images sont comme des peintures abstraites, des portes vers l’imaginaire.
Pour lui, ce qui est important, ce n’est pas l’image elle même, mais ce qui s’en dégage lorsqu’on la regarde.
Créateur d’images, Jean-Pierre Fleury aime aussi jouer avec les mots. Il jubile quand il dit « conjuguer l’image au présent de l’objectif et à l’imparfait du subjectif ». Chacune de ses photos est titrée. « La Goulue », « Grains de beauté », « Explosions infernales », « Hibou-lumière », « l’Entrée des enfers » …les mots résument la vision contenue dans son ou sa « phototableau ».
Lorsque l’image est exposée ou achetée, elle peut changer de nom. « Elle ne m’appartient plus. Là où je vois Ulysse et Polyphème, un autre peut percevoir une montagne, un démon… C’est la magie de la paréidolie, cette sorte d’illusion d’optique qui consiste, notamment, à voir des visages dans les nuages. »
Infatigable découvreur du monde à pied, en moto ou en voilier, Jean Pierre Fleury voit dans les nuages mais aussi dans les murs. En témoignent ses photos de temples vietnamiens. Le voyageur fait parler les murs ancestraux, comme s’ils préfiguraient le Street Art d’aujourd’hui. Il laisse passer un rai de lumière et un cheval apparait. Il joue avec le flou, jongle avec les ombres et nous ouvre de nouveaux mondes. « Ce sont nos rêves qui construisent le monde et c’est le rôle de l’artiste d’ouvrir les portes. Chacun peut ensuite projeter sa part d’imaginaire dans mes images ».