Sur l’oued Massa, près d ‘Agadir
Ce n’était ni un pêcheur, ni un chasseur. À vrai dire, j’ai cru l’un ou l’autre, d’abord.
On est toujours tenté de tirer des conclusions trop hâtives quand le décor semble donner toutes les réponses.
Là, c’était l’Oued Massa. Un ruban d’eau tranquille, capricieux pourtant, qui traverse un monde suspendu entre ciel et sable, refuge précieux pour les oiseaux migrateurs. Ils s’y arrêtent comme à une auberge de paix, plumes lustrées, ailes fatiguées, dans le silence d’un lieu qui semble protégé par une volonté ancestrale.
L’homme que je voyais glisser lentement sur l’eau n’avait ni filet, ni fusil. Seulement ses mains, calleuses sans doute, qui tiraient lentement sur un câble tendu d’une rive à l’autre.
Une ficelle de fer, posée là comme un fil d’Ariane sans éclat, sans bruit, mais essentiel. C’était son passage, sa voie discrète pour rejoindre l’autre bord, celui des champs, des sillons, de la sueur sur la terre.
Il avançait debout dans un esquif misérable, à peine une coque, un embryon de barque plus proche de la planche que du navire. Et pourtant, il avançait. Lentement, un geste sûr.
Son village, m’a-t-on dit plus tard, se trouve sur la rive droite, épargnée des crues. C’est là qu’il vit, que les siens dorment et prient. Mais ses terres sont de l’autre côté, sur la gauche, là où l’oued, capricieux ou non, ne commande plus.
Il fait ce trajet chaque jour, deux fois, parfois quatre. Sans pont, sans détour. Juste cette ligne d’acier, discrète, essentielle, tendue comme une promesse.
Je l’ai regardé longtemps. Il ne levait pas les yeux. Pas un regard vers les oiseaux, ni vers moi. Il faisait ce qu’il avait à faire, simplement, dans le silence des hommes du sud.
Et dans ce geste, il y avait plus de vérité que dans bien des discours. Une vie entre deux rives, une traversée sans gloire mais nécessaire.
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