À Essaouira, il est des moments où le réel vacille, sans crier gare, et vous laisse face à un monde qu’on croirait sorti d’un rêve maîtrisé.
Ce jour-là, sur le mur de la Skala, la lumière était tranchante, presque dure.
La mer, là-bas, se brisait sans relâche contre les remparts.
Et puis je l’ai vue. Cette fresque, peinte à même la muraille : la Skala, peinte… sur la Skala. Fidèle à elle-même, archétype de son propre reflet.
Un mirage fixé par la main d’un inconnu, peintre de fortune, poète de hasard.
Des oiseaux y volaient, des frégates sans doute, peints au-dessus, figés en plein élan, ailes déployées . Et dans le ciel, les vrais, les vivants, passaient d’un monde à l’autre, du tableau à la mer, sans faire de différence.
C’est alors qu’elles sont apparues. Deux femmes, lentes, silhouettes glissant sous le vent. L’une drapée de noir, l’autre en blanc. Elles n’avaient pas l’air de parler, mais marchaient côte à côte, comme deux ombres. Elles sont passées devant la fresque sans un regard, comme si elles connaissaient déjà cette mise en abyme et la laissaient aux étrangers.
Près d’elles, appuyée contre la muraille, une bicyclette. Abandonnée, peut-être. Ou juste oubliée dans un geste calme.
L’ombre de son guidon, projetée par le soleil rasant du soir, s’étirait sur le mur. Et là, dans cette courbe improbable de fer dessiné, quelque chose a surgi. La bicyclette, modeste, tentait de se fondre dans le rêve.
Essaouira, une fois encore, venait de se raconter elle-même, sans bruit, sans effort. C’était un clin d’œil du hasard, une conspiration du vent, de la mer et d’un peintre oublié.
Un moment suspendu, offert à celui qui, simplement, a la chance de passer au bon moment.
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.