Enfoui dans ma mémoire, l’indigo est revenu petit à petit pour occuper une grande place dans ma pensée et dans mon travail. D’abord le souvenir d’un trait d’indigo vibrant au milieu des murs peints à la chaux dans toutes les pièces de la maison de ma naissance. Puis le portrait de mon oncle peint sur un mur de salon, uniquement en un camaïeu d’indigo. Plus tard, j’ai appris beaucoup de choses à propos de cette couleur céleste. Elle est la première couleur de la Palestine, utilisée largement dans la teinture des fameuses robes palestiniennes et dans la peinture des maisons traditionnelles; on l’invoque aussi dans les chansons populaires.
Deux sources permettent à l’Homme d’obtenir de l’indigo: d’une part le «Murex», un coquillage dont les vertues colorantes furent découvertes dès la Haute Antiquité; d’autre part l’indigotier, plante qui fut cultivée à Jéricho, dans la vallée du Jourdan, jusqu’à ce que les Britanniques apportent l’indigo industriel en Palestine, lors de leur mandat en 1920.
En fin de compte, j’ai trouvé que mon indigo palestinien est aussi celui des Indiens, des Chinois, des Japonais, des Maliens, des Nigériens, des Marocains, des Égyptiens, des Mexicains, des Guatémaltèques, des Yéménites, des Omanies, des Génois, des Nîmois, de tous les Européens… Ce même indigo s’est étendu jusqu’en Amérique, pays dont les blue-jeans n’ont cessé depuis de faire le tour du monde. Cette couleur, éminemment universelle, est donc à la fois signe de partage et symbole de liberté. Elle est la couleur de la terre entière, de notre fameuse «planète bleue».
J’ai voulu célébrer l’indigo, que j’ai utilisé massivement dans mes œuvres d’art durant de longues années, en tant que couleur chargée d’histoire, dont les teintes célestes sont partagées et admirées par l’ensemble de l’humanité.